epaulettes.png
 

Il y a 10 ans, jeune salariée dans un grand groupe, je finissais mon terrain et m’apprêtais à enfin accéder au graal: faire du marketing à Paris.

J’étais inscrite à une session d’assessment pour évaluer mon éligibilité à un poste au siège. Rien de spécial, process typique des grands groupes… si ce n’est que le débrief de cette journée fut un tournant dans ma (toute jeune) carrière. Avant de décrire pourquoi, petit retour en arrière :

LE TERRAIN.

Être commerciale fut ultra formateur au quotidien. J’étais responsable de mon secteur, autonome et ça m’a rendue apte à appréhender et hiérarchiser les problèmes.

De plus être en province me permettait de garder une distance confortable avec le siège, avec tous ces managers sûrs d’eux qui m’impressionnaient beaucoup, et de prendre mes marques progressivement. Je faisais mon job de façon ultra consciencieuse mais plutôt discrètement. J’atteignais mes objectifs et m’en contentais, inconsciente que ce n’était pas suffisant.

Ma plus grande crainte en termes d’attitude était de paraitre trop sûre de moi…

ATTENTION A TA VISIBILITÉ !

Les 1ères alertes ne tardèrent pas :

  • « Tu devrais travailler ta visibilité »,

  • « Tu vas te faire passer devant par tous les autres »,

  • « On ne me parle pas assez de toi après tes passages au siège »,

  • « Tu ne montres pas assez à quel point tu apprécies travailler pour cette entreprise »,

  • « C’est dommage tu fais du super boulot mais il n’est pas assez mis en avant ».

Mises en garde bienveillantes émanant de ma hiérarchie mais aussi de mes pairs.

Réaction de ma part : faire des efforts, travailler, délivrer, prouver. Et surtout pas aller voir les uns et les autres, m’adresser à des managers que je ne connais pas, oser… Ne pas sortir de ma zone de confort en résumé.

Pour moi le fond devait primer sur la forme alors qu’en entreprise ce n’est pas suffisant. J’ai eu du mal à l’accepter car je réduisais cela à un constat dérangeant :

Savoir-faire ne vaudrait pas savoir-être…

LE TOURNANT : « METS DES EPAULETTES MARIE ».

Mon travail paya suffisamment pour que je sois convoquée à ce fameux assessment, évaluation des commerciaux destinée à permettre au comité de direction de connaitre et évaluer ses « jeunes talents ».

Cette journée se déroula bien sur certains exercices (faire la stratégie à 5 ans d’une catégorie), moins bien sur d’autres (raconter devant tout le monde un évènement marquant de notre vie ne figurant pas sur notre CV).

🎯 L’heure du débrief sonna, par une RH plutôt bienveillante : globalement le message était super positif sur le fond, sur mes compétences, sur mon potentiel mais… gros bémol sur mon attitude.

La faute à mon introversion, à ma reluctance à oser, à m’affirmer…

Un bémol qui a amené ce constat :

« On s’est dit que tu devrais mettre des vestes à épaulettes. »

Comme si être carrée d’épaules rendait visible …

Comme si le charisme s’achetait chez Zara…

Ce qui m’a surprise sur le coup fut le fait de n’avoir en tout et pour tout QUE ce conseil, rien d’autre, aucune analyse, aucun échange même sur le pourquoi de cette introversion.

Juste un sentiment de menace planante : ta carrière peut décoller chez nous… ou pas.

Noyé dans un débrief plus constructif et vraiment orienté solutions je pense que je ne l’aurais même pas notée, cette phrase.

Ce jour-là en seule et unique piste d’amélioration elle m’est restée en travers de la gorge 😕.

Comment me sentir encore plus engoncée pourrait-il me faire sortir de ma timidité ?

Dire à quelqu’un tu es un excellent élément mais tu dois avoir plus confiance sans l’aider c’est nul, car cela vient précisément détériorer cette confiance déjà en carence !

MON BESOIN : ETRE ACCOMPAGNÉE.

J’avais besoin qu’on me dise on va t’aider, tu seras accompagnée dans ce travail visant à gagner en confiance en moi et en visibilité. M’aider à appréhender mon mode de fonctionnement et celui de l’entreprise pour identifier les points à travailler.

-> Si pas de budget pour me payer un coach, m’octroyer un mentor 👩‍💼.

Quelqu’un de bienveillant qui m’aide à travailler ma confiance en moi progressivement, et qui, connaissant l’entreprise, m’aide à gagner en visibilité.

🚫 Je tiens à préciser que cet article n’a pas pour objectif de tirer sur les grosses boites ni à incriminer en particulier celle que j’évoque, au sein de laquelle j’ai beaucoup appris. Mais plutôt de montrer quels impacts peuvent avoir de si petites phrases dans la bouche de toute personne ayant un ascendant, ne serait-ce que hiérarchique. En particulier en début de carrière… Et d’illustrer, au-delà de ce que j’ai ressenti, quels ont été mes solutions pour éviter une perte totale de confiance en moi.

MES REACTIONS :

  • Dans un premier temps me suis repliée sur moi. J’étais vexée et avais l’impression d’avoir déjà beaucoup travaillé ce point pendant les 2 précédentes années…

  • Ensuite j’ai voulu partir, et je l’ai signifié à mon manager à l’entreprise m’a alors très vite proposé un poste au siège, ce qui m’a un peu réconciliée avec mon ego.

  • Enfin j’ai adopté une posture plus résiliente, j’ai vu où se situait mon intérêt (me former dans une super école), et choisi de ne pas rester en opposition bêtement.

  • J’ai commencé à interroger des gens de mon entourage perso et pro sur mon manque de leadership... pour comprendre. Beaucoup m’ont dit « quand tu parles on t’écoute », « tu es assertive », mon manager de l’époque a même loué ma détermination :

    « par la porte ou par la fenêtre tu rentres, mais toujours sans effraction »

    -> ça m’a redonné confiance.

J’étais désormais prête à affronter ce qui grattait (si ça gratte c’est qu’il faut creuser), à me confronter à ce trait de caractère qui semblait plomber mon ambition professionnelle : mon introversion. J’ai abordé cela comme un projet, avec de l’ambition 😎.

LE CHANTIER DE LA CONFIANCE

  • J’ai demandé et obtenu une formation à la prise de parole en public.

  • J’ai fait quelques stages de théâtre d’impro.

  • J’ai vu un thérapeute pour comprendre quels mécanismes inconscients me bloquaient.

  • J’ai appréhendé mon mode de fonctionnement, pour distinguer les points sur lesquels je pourrais progresser et ceux qui resteraient mon modus operandi. J’ai identifié mes grandes forces, celles sur lesquelles capitaliser, celles acquises.

  • J’ai donné un peu plus de moi à mes collègues, en respectant mes valeurs (intimité, distinction pro & perso) mais en étant davantage réceptive et ouverte aux autres.

  • J’ai laissé mon humour pleinement s’exprimer (super libérateur, je recommande 😉).

  • Je me suis lancé un petit challenge perso: ne jamais sortir de réunion, quelle qu'elle soit, sans avoir pris la parole. En distinguant bien le fait de répondre (non pris en compte dans ce jeu 😆) de la prise de parole initiée par mes soins. C'est simple mais très efficace, et c'est très vite devenu un automatisme.

  • J’ai passé le test MBTI, et mieux appréhendé introversion et extraversion. Être introverti ce n’est finalement qu’un ordre des choses, consistant à bien observer avant de se prononcer. Ça ne veut pas dire qu’on ne se lance pas, ni que l’on ne peut pas travailler à réduire ce temps d’observation .

CONCLUSION :

Toutes ces petites choses m’ont permis de gagner progressivement mais durablement confiance en moi. De mieux en mieux dans mes jobs et dans mes vestes, j’ai progressé dans l’entreprise, me suis épanouie, et suis devenue manager.

Ce qui fut un step majeur dans ma carrière, et une véritable révélation.

J’ai adoré manager, le challenge et la responsabilité que cela représente, l’enrichissement que cela apporte. J’ai essayé de mettre dans mon management les ingrédients que j’avais tant apprécié de mes managers et les leçons tirées de mes (més)aventures persos:

  • Ne pas se laisser juger et limiter par les autres

  • Utiliser tout ce qui gratte, contrarie et creuser pourquoi

  • Ne pas faire aux autres ce que l’on n’aimerait pas qu’on nous fasse ;-)

  • Accompagner mes collaborateurs, sur le fond comme sur la forme.

La suite a déroulé sereinement, je suis devenue haut potentiel, j’ai changé d’entreprise, managé de plus grosses équipes, et plus jamais repensé à mon savoir-être, à ma visibilité.

Dans mon job suivant on a salué mon leadership, ce qui m’a fait chaud au cœur mais aussi doucement sourire. Désormais j’avais les épaules…mais toujours pas les épaulettes !

Aujourd’hui je suis coach, spécialisée dans l’accompagnement individuel en entreprise, et j’aide mes clients à précisément concilier savoir-faire et savoir être en entreprise. La boucle est bouclée 😊.

Pour terminer, mon message à travers cet article s’adresse:

D’une part aux entreprises elles-mêmes 🏢, pour leur dire :

« Accompagnez vos jeunes (et moins jeunes) collaborateurs. Si vous voulez en faire les talents de demain, permettez-leur dès aujourd’hui d’être eux-mêmes ».

« Trouvez-leur un mentor, un coach ».

« Expliquez les choses, co-construisez les solutions, surtout quand le souci a trait à la confiance en soi, adressez le sujet en toute bienveillance… ».

D’autre part aux écoles 👩‍🎓, pour leur dire :

« Ça fait partie du bagage que vous devez fournir à vos étudiants avant de les lâcher sur le marché du travail ».

« Préparez vos étudiants à l’entreprise autrement que par les compétences techniques s’il vous plait, vraiment ».

J’envisage de proposer un cours aux écoles d’ingénieur, de commerce etc… pour partager mon expérience et surtout donner quelques tips aux étudiants sur ce qui les attend. Qu’en pensez-vous, dois-je le faire ?

Merci pour votre lecture.

M.